La régulation de la mobilité urbaine à l’épreuve de la mobilité partagée et du « MaaS »
Yves Crozet et Jean Coldefy, membres du Think Tank de l'URF, viennent de co-rédiger un rapport pour le compte du CERRE (Centre on regulation in Europe - Bruxelles) qui promeut une réglementation cohérente dans les industries européennes des réseaux et du numérique en Europe. Ce rapport a été réalisé en collaboration avec la Région Île-de-France, Île-de-France Mobilités, les autorités de transport public de Barcelone, Oslo et Francfort, ainsi que Uber.
Le rapport est téléchargeable à la fin de cet article qui en présente une synthèse.
Pour réduire efficacement les embouteillages et la pollution dans les villes, les politiques doivent donner priorité à la ressource collective la plus rare : l'espace. La mobilité comme un service, ou « MaaS », peut également faciliter la transition vers une mobilité plus durable, à condition d’être encadrée par une réglementation où ces nouveaux modèles complètent, et non remplacent, l’offre en transports publics.
La plupart des villes européennes sont confrontées à un défi majeur : renforcer la mobilité, assurer l’accessibilité et créer des systèmes de transport efficaces, tout en réduisant les encombrements, les émissions de CO2, les nuisances sonores et les accidents. Les politiques de transport dans de nombreuses villes s’efforcent d’encourager les automobilistes à opter pour les transports en commun, avec un succès souvent mitigé. Le confort et l’efficacité de la voiture privée restent un puissant facteur qui limite ce changement.
« Pour réduire efficacement le trafic et la pollution, la réglementation de l'accès aux villes doit changer radicalement. Les contraintes concernant l'utilisation de la voiture restent encore trop faibles », expliquent les auteurs. « La ressource la plus rare pour la collectivité est l'espace. Les politiques publiques doivent donc privilégier les modes de transport qui optimisent l’usage de l’espace public, et non pas ceux qui font miroiter aux individus des gains de temps infinitésimaux. Il appartient aux autorités de transport de définir l’équilibre entre les différents usages de l’espace public et les utilisations de la voirie, y compris des trottoirs et des zones piétonnes ».
En outre, les pouvoirs publics devraient davantage développer des systèmes de transport en commun pratiques, rapides, fiables et abordables qui constituent une véritable alternative à la voiture privée. L’incapacité à développer des transports collectifs dans les zones peu denses pour des raisons financières, reste également un problème crucial à résoudre.
Le rapport du CERRE relève que les nouveaux services de mobilité (tels que voitures partagées, trottinettes électriques et scooters en libre-service) offrent des opportunités sans précédent pour réduire l’insatisfaction des utilisateurs lors du passage de la voiture privée aux transports publics ou actifs. La mobilité en tant que service (MaaS) permet aux utilisateurs de modifier leurs routines, de découvrir la diversité de l’offre de mobilité et de combiner anciens et nouveaux services.
Les services de mobilité partagée peuvent en effet compléter l’offre des transports en commun, notamment en proposant des solutions pour le premier et dernier kilomètre, et en desservant les zones où ces derniers ne sont pas financièrement viables. Cependant, si la mobilité partagée sous toutes ses formes ne remplace pas à grande échelle la pratique de l’autosolisme, les effets sur la congestion, la pollution et les émissions de CO2 seront, dans le meilleur des cas, neutres.
Bien que la numérisation ne puisse être considérée comme une baguette magique, elle joue un rôle essentiel dans cette transition vers de nouveaux services de mobilité. Leur développement est loin d’être abouti, mais ceux-ci ne peuvent pour autant être négligé par les autorités organisatrices des mobilités. Les pouvoirs publics doivent être plus ambitieux. Ils doivent élargir l'éventail des offres de mobilités qui faciliteront la vie des utilisateurs et encourageront les alternatives à l’autosolisme.
Afin d’exploiter au mieux les opportunités offertes par les nouveaux services de mobilité, les autorités doivent elles-mêmes développer leurs compétences en gestion des données et développement d’applications. L’information et la billetterie via les plateformes numériques sont en effet des instruments cruciaux pouvant permettre d’augmenter le nombre d'utilisateurs des services de mobilité urbaine. La gestion des données de mobilité est également cruciale pour que le MaaS se développe véritablement. Ces dernières doivent être collectées sous l'égide des autorités de transport, qui sont le seul tiers capable de le faire.
« Le développement du MaaS et de la mobilité partagée à grande échelle n'auront lieu que si les règles d'utilisation de la voirie sont orientées vers des incitations à la mobilité partagée et vers une désincitation à l’autosolisme. Tant que les voitures individuelles pourront circuler librement et sur les mêmes routes que les véhicules partagés, il est peu probable que le MaaS et la mobilité partagée prennent une réelle ampleur,” concluent les auteurs.