Comment l’Ile de France peut-elle réinventer sa mobilité d’ici à 2030 ?

07.11.2017 / Gouvernance des transports et de la mobilité, Infrastructures, Transports de marchandises et logistique, Transports de voyageurs et nouvelles mobilités

Mobility Nation [1] est une collaboration inédite entre des acteurs privés et publics de la mobilité francilienne. Lancé à l’initiative du Boston Consulting Group, ce groupe de travail souhaite faire de l’Ile-de-France la première agglomération européenne à réinventer sa mobilité à l’horizon 2030. Les révolutions technologiques et d’usage constitueront les piliers de cette transformation avec les Jeux olympiques de 2024 comme formidable opportunité pour l’accélérer.

Alors que 56% des Franciliens rencontrent des difficultés chaque semaine au cours de leurs déplacements [2] et que les Assises de la Mobilité se déroulent jusqu’en décembre, Mobility Nation publie un livre blanc (téléchargeable ci-dessous), et propose 24 recommandations concrètes à destination des filières industrielles et des pouvoirs publics.

Promouvoir une mobilité facilitée pour tous,qui améliore les fondamentaux de performance économique, environnementale et sociétale

L’Ile-de-France dispose de vrais points de force en matière de mobilité : infrastructures de qualité et pionnières en leur temps, offre de transports collectifs dense (87% des Franciliens habitent à moins de 2 km d’une gare [3] ) et services précurseurs. La mobilité y est vécue positivement : 67% des Franciliens se disent satisfaits des modes de déplacement utilisés. Ce chiffre masque toutefois des difficultés et des disparités : 56% des Franciliens rencontrent des difficultés chaque semaine au cours de leurs déplacements et seulement 48% des habitants de Seine-et-Marne considèrent avoir le choix des modes de déplacement qu’ils utilisent, contre 77% des Parisiens [2]. En cause notamment, la saturation et le manque de fiabilité de certaines lignes de transport collectif et un réseau routier de plus en plus congestionné : les automobilistes franciliens perdaient en moyenne 40 minutes par jour dans les bouchons en 2016 [4]. En outre, la mobilité en Ile-de-France est une source d’externalités négatives qu’il faut solutionner. Derrière la réduction des coûts de transports, la baisse de la pollution est la deuxième principale attente des Franciliens vis-à-vis de l’offre de transports dans les dix prochaines années.

La réinvention de la mobilité urbaine et périurbaine a donc pour but de remettre l’utilisateur au centre de l’offre de mobilité, tout en apportant de nouvelles réponses aux enjeux, critiques, de croissance durable des territoires. Dès 2024, si les bonnes décisions sont prises aujourd’hui, la mobilité pourrait être significativement améliorée.

Réinventer la mobilité urbaine et périurbaine en tirant profit des ruptures technologiques et des ruptures d’usages

« L’Ile-de-France doit aujourd’hui être moteur de la réinvention de la mobilité urbaine et périurbaine, comme elle fut précurseur à l’époque du premier RER ou de l’arrivée du Vélib’ », souligne Joël Hazan, Directeur associé au BCG Paris. Ces ruptures sont aujourd’hui au nombre de six, dont trois ruptures technologiques :

  • Mobilité connectée : Près de 80% des Franciliens sont d’ores-et-déjà équipés d’un smartphone et utilisent un service de mobilité type Google Maps [2]. Demain, avec 100% des infrastructures de mobilité couvertes par un réseau de télécommunications robuste et une ouverture accrue de certaines catégories de données, la mobilité connectée prendra toute son ampleur.
  • Mobilité zéro-émission : La transition énergétique d’un parc encore composé à 98% de véhicules à gazole ou essence [2] est clé. Cette rupture doit principalement compter sur le développement de la mobilité électrique, avec d’ici 2025, un coût des batteries qui devrait baisser de 30% à 50% [5].
  • Mobilité autonome : Les navettes autonomes déjà en circulation dans le monde précèdent un essor beaucoup plus large. Des voitures 100% autonomes seront mises sur le marché vers 2025 avec un surcoût d’environ 10 000€ par rapport à une voiture non-autonome [5].

Au-delà de la technologie, ce sont surtout trois ruptures d’usage qui redessineront la mobilité de demain :

  • Mobilité à la demande : Les services de mobilité à la demande se multiplient sous diverses formes (taxi / VTC, libre-service, covoiturage, auto-partage, micro-transit). 21% des Franciliens ont fait appel à un VTC entre juin 2016 et juin 2017 pour leurs déplacements en Ile-de-France [2]. Des offres de mobilité à la demande et partagées pourraient couvrir 100% de l’Ile-de-France avec un temps d’attente inférieur à 10 minutes en 2024, et représenter 50% du transport privé à horizon 2030.
  • Mobilité partagée : 10% des Franciliens ont fait du covoiturage passager entre juin 2016 et juin 2017 pour un déplacement en Île-de-France [2]. Le nombre de passagers moyen par véhicule pourrait atteindre 2 passagers en moyenne en 2030 (vs. 1.3 à date) grâce au service de covoiturage, à des routes dédiées et à des mécanismes incitatifs.
  • Mobilité co-modale : A ce jour, 30% des Franciliens disposent à la fois d’un véhicule motorisé et d’un abonnement de transport collectif [2]. La mobilité comodale a vocation à s’amplifier pour que chaque mode de déplacement soit optimisé et focalisé sur sa zone de pertinence, et que ces modes soient mis en cohérence, avec des transitions inter-modes attractives pour les utilisateurs.

Libérer les énergies, favoriser la complémentarité des modes et structurer l’écosystème de la mobilité de demain

« Pour que l’Ile-de-France deviennela première agglomération européenne à réinventer sa mobilité d’ici à 2030, il est nécessaire de déverrouiller et accélérer les trois ruptures technologiques, déjà initiées », explique Joël Hazan, Directeur associé au BCG Paris. Pour réaliser cette mise en œuvre à grande échelle, Mobility Nation souligne la nécessité de :

  • Déverrouiller certaines catégories de données, notamment l’API-sation des données de mobilité en temps réel et la mise en place d’un format commun et ouvert pour les données techniques et de conduite des véhicules
  • Mettre en place un cadre réglementaire adapté au transport autonome, pour aller au-delà des expérimentations, en adaptant les règles de responsabilité, les normes de conception des véhicules et certains éléments du code de la route
  • La modernisation des infrastructures de télécommunications, énergétiques et routières, via un modèle de concession ou de partenariat public-privé pour limiter les coûts pour la collectivité

« Le groupe Mobility Nation prône une solution équilibrée pour la mobilité de demain, qui capitalise sur les forces actuelles et intègre les ruptures technologiques et d’usage, pour construire une offre de mobilité attractive et pertinente à l’échelle de l’Ile-de-France », ajoute Joël Hazan. Ce qui implique de :

  • Poursuivre l’amélioration des transports collectifs réguliers sur les axes où ils sont les plus pertinents
  • Augmenter l’offre et intégrer le transport à la demande et partagée sous toutes ses formes (taxi / VTC, covoiturage, auto-partage, libre-service, navettes autonomes), en complément des transports collectifs (dont la densité actuelle ne peut être augmentée à un coût raisonnable), pour adapter la voiture à la mobilité de demain sans attendre la démocratisation du transport autonome
  • Mettre en place des mesures incitatives pour progressivement réguler l’usage individuel des véhicules en zone dense à condition de renforcer les alternatives
  • Créer de vrais hubs de mobilité reliant l’ensemble des modes entre eux et faciliter la création à court-terme de plateformes de mobilité intégrées
  • Réinventer le transport de marchandises en milieu urbain

« L’enjeu de la mobilité de demain c’est aussi celui de la création d’un modèle d’organisation « à la française » afin de structurer un nouvel écosystème capable de saisir les opportunités économiques qui se profilent », conclut Joël Hazan. Pour cela, il faut :

  • Mettre en place une gouvernance unifiée de la mobilité à l’échelle de la région Ile-de-France capable d’aligner les décisions en matière d’offre de mobilité et d’urbanisme et de faciliter la complémentarité entre les modes
  • Créer les conditions favorables au développement de la concurrence et de l’innovation en focalisant le rôle des pouvoirs publics sur la définition d’un cadre d’exercice clair et adapté à chaque métier et à chaque mode
  • Encourager la coopération entre grands groupes, start-ups et instituts de recherche pour créer un écosystème de la mobilité de demain puissant
  • Définir un plan de formation pour les nouveaux métiers de la mobilité

 

Note méthodologique : Les travaux qui ont conduit à ce livre blanc s’appuient sur l’expertise, les analyses et les données des différents membres de Mobility Nation, sur des données et études publiques, sur une enquête auprès de 3000 usagers des transports en Ile-de-France réalisée par le Boston Consulting Group dans le cadre de Mobility Nation en mai-juin 2017, ainsi que sur des simulations de trafic réalisées par Siradel à partir de données mobiles collectées par teemo. La diversité des acteurs impliqués a permis de confronter des points de vue, expériences et expertises pour offrir dans ce livre blanc une vision large et prospective, à l’une des préoccupations centrale des citoyens. Ce livre blanc ne porte pas sur l’analyse des projets de nouvelles infrastructures prévues (notamment le Grand Paris Express) ou à venir.

[1] Mobility Nation réunit l'ASFA, AXA, ENGIE, Europcar Groupe, Faurecia, UBER, BlaBlaCar, BestMile, Coup, Easymile, Seabubbles, Siradel, Stuart, teemo, l’accélérateur ViaID et l'IRT SystemX, avec la contribution d’Ile-de-France Mobilités

[2] Source : Enquête Mobility Nation auprès de 3000 Franciliens entre mai et juin 2017

[3] Source : Ile-de-France Mobilités

[4] Source : TomTom Traffic Index

[5] Source : Analyse BCG