Nos ponts oubliés
Christian Tridon, président du Syndicat national des entrepreneurs spécialistes de Travaux de Réparation et de Renforcement des Structures (STRRES), revient sur la catastrophe du viaduc Morandi de Gênes et formule une proposition pour l'entretien des ponts routiers en France :
Il aura donc fallu 43 victimes pour que le monde médiatique s’intéresse à nos ponts. C’est vrai que nous étions dans une période estivale creuse, que l’affaire Benalla était déjà derrière, que Nicolas Hulot n’avait pas encore annoncé sa démission et qu’il fallait bien occuper les écrans et noircir du papier. Qu’elle aubaine !
J’étais là, j’ai donc fait le job.
Questions récurrentes : une catastrophe de ce genre serait-elle possible en France ? Quelle en a été la cause ? Dans quel état sont les ponts de chez nous ? 7% de ponts « dangereux » d’après l’audit fait par les Suisses, sur le réseau national, en sont-ils vraiment au point de s’effondrer ?
Autant de questions auxquelles j’ai essayé de répondre sans faire trop d’alarmisme. Oui, les ponts sont des constructions sensibles et potentiellement dangereuses et la seule méthode pour les rendre fiables, c’est d’en assurer régulièrement la surveillance et les travaux d’entretien nécessaires.
J’ai parlé des « ponts oubliés » ceux que personne ne va plus voir. Leur nombre est très important. Ce sont bien évidemment plutôt des petits ouvrages, gérés par les collectivités territoriales. Mais y-a-t-il véritablement des « petits ponts » ? Les conséquences de leur effondrement ont la mauvaise habitude, s’ils sont situés sous la route, de provoquer de belles crevasses au niveau de la chaussée.
« Il n’y a plus d’argent mon bon Monsieur ! ». 7% d’ouvrages inquiétants ou inconnus, cela donne un total d’environ 14.000 ponts. Alors, que faisons-nous ? Laissons-nous ces ouvrages ouverts à la circulation ? Attendons-nous qu’un poids-lourds passe à travers ? Ou doit-on faire preuve de courage politique en les fermant pour attendre des jours meilleurs ?
Les communes et, en particulier les petites, ne sont plus du tout assistées par feu les services de l’Etat. Que fait Monsieur le Maire pour apprécier l’état de ses ponts et pour en évaluer les travaux nécessaires ? A-t-il seulement conscience que la qualité d’un ouvrage ne se limite pas à celle du garde-corps ou des trottoirs ?
En raison du vieillissement naturel de ces structures, le slogan d’« un pont par jour » risque de devenir rapidement « has-been » si l’on ne fait rien pour en améliorer la gestion.
Le « Carnet de maintenance » peut être un très bon moyen pour mieux connaître ce patrimoine et permettre un meilleur suivi des actions d’entretien.
Les entreprises spécialisées existent, elles peuvent dresser des diagnostics et entreprendre les travaux nécessaires pour corriger l’état de ces ouvrages. Il faut les mandater pour cela et leur faire confiance.
La plupart des ponts portent plus de passagers que n’importe quel avion. Pour quelle raison ne profitent-ils pas de la même rigueur de gestion ?